Gestion des effets de Chido à Mayotte si La Réunion était elle aussi frappée. Quelques questions managériales.

Jérôme Vellayoudom – Délégué à l’Intelligence Economique et à l’attractivité du territoire à la Mairie de Saint-Denis de La Réunion – 16 décembre 2024

Le cas des effets du cyclone Chido sur l’île de Mayotte souligne le rôle stratégique de La Réunion dans le dispositif de réponse aux effets des catastrophes naturelles dans la zone sud océan Indien. Le terme de stratégie est ici au sens de ce qui détermine la pérennité d’une organisation (Philippe Baumard, 2012). Cette capacité de réponse en termes d’expertise et de moyens est unique dans la zone, tant en capacité de projection que de base arrière et de soutien. Aussi, quels seraient les effets sur cette organisation si La Réunion était frappée à son tour, dans cette même période ?

Certes, La Réunion est particulièrement bien préparée à faire face aux risques cycloniques. La communauté Cyclonex, mise en place par la préfecture de La Réunion, associe l’ensemble des organisations publiques et privées susceptibles d’être engagées dans une réponse aux effets d’un phénomène cyclonique. Cette initiative se distingue à travers l’innovation inclusive des sociétés civiles, déterminantes de la capacité d’anticipation, de sensibilisation et de résilience des populations. Cette communauté monte en compétence, en conscience et en compréhension mutuelle des parties prenantes. Elle présente aujourd’hui une robustesse face à ces risques. Mayotte n’avait pas connu un tel phénomène depuis 40 ans et ne vivait donc pas dans cette culture du risque cyclonique. De plus, les infrastructures et l’habitat de La Réunion ne peuvent pas être comparés à ceux de Mayotte.

De fait, les problèmes susceptibles de se poser ne sont de cette nature, mais plutôt de l’ordre de la disponibilité des capacités de réponses dans le contexte des effets de la tragédie mahoraise. Aussi, quelles sont les vulnérabilités réunionnaises de nature à avoir un effet stratégique sur l’ensemble du système ? Le niveau de complexité renforce la part de l’incertitude, d’autant qu’il apparait qu’il y a peu de connaissances construites dans le champ du management public traitant de nos territoires.

Vulnérabilités du dispositif de réponse réunionnais

Nous posons ici quelques questionnements sur de possibles menaces et facteurs d’attrition sur le dispositif réunionnais dans le contexte actuel:

  • Période cyclonique. Mayotte a été frappée, elle peut l’être à nouveau. Cette situation accentuerait encore la mise en tension des moyens de réponses à La Réunion, en l’état actuel des moyens.
  • Période cyclonique. Mayotte a été frappée, La Réunion peut l’être aussi. Dans le cas de figure d’un phénomène cyclonique à impact fort ou critique sur La Réunion, jusqu’à quel niveau de mise en tension du système d’organisation et de réponse réunionnais celui-ci peut-il garantir sa pérennité ? Quels sont les effets selon le niveau de mise en tension ? Quels sont ces effets conjugués avec un nouvel impact sur Mayotte ? Quelles sont les alternatives ?
  • Période de congés. Les équipes des services publics susceptibles d’être sollicités sont organisées pour une continuité en période de fête, dans des conditions normales. Or, la situation mahoraise met les ressources humaines en tension dans les extrémités des cadres scénarisés. Dans le cas d’un phénomène à impact fort ou critique à la Réunion, comment répondre à la demande de ressources compétentes ? Quels sont ces effets conjugués avec un nouvel impact à Mayotte.
  • Conjoncture sanitaire. La saison des pluies et de forte chaleur est aussi celle du retour du moustique. Or, L’ARS a sensibilisé récemment sur le retour du chikungunya. Elle observe un phénomène de propagation justifiant sa communication. Quels effets sur le système de santé à La Réunion d’une concomitance d’une épidémie et de la gestion des effets catastrophiques des phénomènes cycloniques ? Quels sont les effets d’une épidémie sur la disponibilité des compétences ?

Ce qui fonde la problématique de savoir dans quelles conditions de mise en tension l’organisation du système réunionnais de réponse aux effets de catastrophes naturelles est-il affaibli, quels en sont les effets selon le niveau d’attrition et comment peut-il y faire face ?

Eléments de conclusion provisoire

Un renforcement par anticipation, sur un principe de précaution, sur les points de vulnérabilités logistiques et managériales à La Réunion semble s’imposer compte tenu des effets systémiques de la crise traversée par Mayotte.

A La Réunion, tout ce qui peut être fait, y compris dans le cadre des procédures a priori déjà maitrisées et routinières, doit être l’objet d’une vigilance singulière cette année afin de limiter au maximum une mise en tension évitable des moyens.

La carence de connaissances construites dans le champ du management public adressant la gestion des risques naturelles et de leurs effets souligne la nécessité de renforcer les travaux de recherche dans ce champ et les moyens qui leurs sont alloués.

Si l’heure est aujourd’hui au traitement de l’urgence, une réflexion sur le temps long semble s’imposer. En effet, des questionnement managériaux actuels et des réponses qui y sont apportées dépendent des effets géopolitiques structurants.

Jérôme Vellayoudom – 16 décembre 2024

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