2025 : géopolitique et avenir de La Réunion

Clément Payet – Géographe urbaniste – 2025

En 2025, La Réunion conserve une position stratégique pour la France dans un monde en pleine mutation. Cette importance s’est accrue, notamment grâce à sa gestion de la crise climatique et socio-économique engendrée par le cyclone Chido à Mayotte. Face aux changements politiques, aux tensions internationales et aux défis climatiques, l’île doit s’adapter, se consolider et saisir les opportunités pour renforcer son rôle au sein de la région de l’océan Indien.

1. Un contexte politique européen et français en mutation

L’Europe connaît un glissement politique significatif vers la droite, affaiblissant les voix écologistes et libérales. Ce virage compromet les ambitions de transition écologique à l’échelle continentale, mais met en lumière La Réunion comme un exemple positif grâce à ses avancées en énergies renouvelables et en gestion durable. Ce rôle de précurseur offre à l’île une opportunité unique de se distinguer dans un paysage politique marqué par des préoccupations sécuritaires et identitaires. Par ailleurs, ces préoccupations peuvent faire écho au modèle réunionnais du vivre-ensemble fragilisé par  la crise climatique et socio-économique qui touche actuellement Mayotte suite au cyclone Chido

En France, l’instabilité politique et les changements fréquents au ministère des Outre-mer compliquent la gestion des territoires ultramarins. La Réunion, comme d’autres territoires ultra-marins (Mayotte, Nouvelle Calédonie) souffre de ce manque de continuité, ce qui freine son développement.

2. Tensions internationales, multipolarité accrue et rôle stratégique

Le monde est marqué par des conflits majeurs comme la guerre en Ukraine et les tensions au Moyen-Orient. Pendant ce temps, dans l’océan Indien, les rivalités entre la Chine et les États-Unis s’intensifient. La Réunion, avec sa base militaire (FAZSOI), devient un point clé pour la France et l’Europe afin de maintenir une présence dans cette région stratégique.

Le développement des BRICS modifie l’équilibre mondial, réduisant l’influence française en Afrique. Cela affecte indirectement La Réunion, mais pourrait aussi ouvrir la voie à de nouvelles coopérations.

3. Enjeux climatiques et avenir énergétique

Les effets du changement climatique, comme les cyclones plus violents, les sécheresses et la montée des eaux, menacent directement l’île.

Cela accentue également les migrations depuis des zones fragiles comme les Comores ou Mayotte.

Pour faire face, La Réunion mise sur l’innovation dans les énergies renouvelables afin de devenir un modèle d’autonomie énergétique et de résilience à l’image du rapport « La Réunion à l’horizon 2040 : une île face aux défis du changement climatique » du Conseil de la Culture de l’Education et de l’Environnement de La Réunion – CCEE Réunion.

4. Un monde rythmé par des événements géopolitiques majeurs : quelles perspectives pour La Réunion ?

Janvier : Investiture de Donald Trump et redéfinition des priorités internationales
Le 20 janvier, Donald Trump est investi pour un second mandat, marquant un retour à des politiques nationalistes et unilatérales. Parmi ses priorités, un cessez-le-feu en Ukraine et des mesures controversées sur l’immigration et l’environnement. Ces choix risquent de bouleverser les alliances internationales, notamment dans l’océan Indien, où les États-Unis pourraient redéployer leurs priorités stratégiques. La présence française à La Réunion deviendrait alors un élément clé pour maintenir l’équilibre régional face à des politiques américaines imprévisibles.

Février : Sommet sur l’intelligence artificielle (IA)
Le sommet international sur l’IA à Paris les 10 et 11 février met en avant des discussions sur les implications éthiques et stratégiques de cette technologie. La Réunion doit continuer à tirer parti de ces avancées pour développer des solutions locales en IA, dans tous les domaines. Les objectifs d’autonomie énergétique de l’île à horizon 2030 (PCAET), les projets de l’Université de La Réunion, les fonds FEDER, la mise en place de formations, notamment à la Fédération Réunionnaise du Tourisme ou encore le développement d’associations ou d’entreprises dédiés à l’application ou à la sensibilité de l’IA sont autant de projets concrets qui démontrent l’intérêt pour ce sujet..

Mars : Référendum constitutionnel en Russie et renforcement du pouvoir de Poutine
Le référendum prévu en Russie pour prolonger le mandat de Vladimir Poutine marque une étape cruciale dans l’affirmation d’une Russie de plus en plus autoritaire. Cette dynamique amplifie les tensions dans l’océan Indien, où la Russie cherche à renforcer sa présence militaire et économique, augmentant les pressions sur les alliés occidentaux présents dans la région, comme la France via La Réunion. Les FAZSOI (Forces Armées de la Zone Sud de l’Océan Indien), avec leur base principale à La Réunion, peuvent davantage être renforcés et jouer un rôle plus important dans la dissuasion des menaces militaires, mais aussi dans la gestion des crises migratoires ou environnementales qui impactent la région. Cela pourrait inclure le déploiement de nouvelles technologies de surveillance et de coopérations régionales à l’instar de celle mise en place avec l’île Maurice.

Juin : Conférence sur le climat en Inde, défis environnementaux mondiaux et 35ème sommet de l’OTAN
La conférence internationale sur le climat organisée en Inde met en lumière les engagements des pays en développement. La Réunion, en tant que modèle de transition énergétique, peut y jouer un rôle en partageant ses réussites en matière d’énergies renouvelables. Quelques exemples de projets : les Plans Climat Air Energie – PCAET, le Schéma Régional Climat Air Energie – SRCAE, le téléphérique urbain de Saint-Denis (Papang).Ces discussions sont essentielles dans un contexte où les impacts climatiques exacerbent les inégalités et les migrations, des enjeux particulièrement cruciaux pour les territoires insulaires.

Par ailleurs, lors du sommet de l’OTAN prévu à La Haye en juin 2025, les discussions porteront sur l’augmentation des dépenses de défense des pays membres, avec des propositions visant à élever l’objectif actuel de 2 % du PIB à 3 %, voire 5 % sous l’impulsion des États-Unis.

Pour la France, cette réévaluation budgétaire pourrait renforcer sa présence militaire dans l’Indopacifique, notamment à La Réunion, un territoire stratégique dans cette région. La Loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit déjà un effort significatif pour consolider les capacités des forces armées dans les territoires ultramarins, avec un budget de 13 milliards d’euros alloué sur cette période.

Une augmentation des dépenses de défense permettrait de moderniser les infrastructures militaires à La Réunion, d’améliorer les capacités de surveillance et de projection, et de renforcer la souveraineté française face aux compétitions géopolitiques croissantes dans l’océan Indien. Cela s’inscrit dans la stratégie française visant à protéger sa zone économique exclusive et à assurer la sécurité des voies maritimes essentielles au commerce international. Ainsi, les décisions prises lors du sommet de l’OTAN pourraient avoir un impact direct sur la stratégie militaire de la France à La Réunion, en renforçant sa posture de défense et en consolidant son rôle dans la stabilité de l’Indopacifique.

Juillet : stabilité ou instabilité politique en France ?
Un an après la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, le président Emmanuel Macron pourra, dès juillet 2025, exercer à nouveau ce pouvoir constitutionnel. Toutefois, la dissolution précédente a engendré des divisions accrues au sein de l’Assemblée, sans apporter de solutions concrètes pour les Français.

Pour La Réunion, une nouvelle dissolution pourrait entraîner des retards dans l’adoption de mesures spécifiques à l’île, affectant ainsi la mise en œuvre de projets locaux et le financement de services publics essentiels. Les élus locaux ont déjà exprimé leurs préoccupations quant aux conséquences d’une telle instabilité politique sur le développement régional.

Il est donc crucial de considérer les impacts potentiels sur les territoires ultramarins avant de procéder à une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale.

Août : Sommet des BRICS et rééquilibrage économique mondial
Lors du sommet des BRICS, des discussions portent sur l’élargissement du groupe et la création d’une monnaie commune pour réduire la dépendance au dollar américain. Ce basculement potentiel de l’ordre économique mondial renforce la multipolarité et accroît les défis pour les puissances occidentales. La Réunion, en tant que territoire français, se trouve en première ligne pour observer et réagir à ces transformations. A titre d’exemple : dans le cadre de l’accord commercial entre l’Union Européenne et le Mercosur, la filière agricole réunionnaise pourrait être confrontée à de nouveaux défis. La Réunion, ayant une économie agricole importante, notamment autour de la canne à sucre, de la vanille et des fruits tropicaux, pourrait voir une pression accrue sur ses marchés locaux, avec l’arrivée de produits agricoles sud-américains à des prix compétitifs. Cela pourrait affecter les producteurs locaux, qui risquent de faire face à une concurrence intense. Il serait essentiel que les autorités locales mettent en place des mécanismes de soutien à l’agriculture durable pour maintenir la compétitivité tout en respectant les engagements environnementaux et de développement durable

Novembre : COP 30 au Brésil et leadership climatique
La COP 30, marquant le 10ᵉ anniversaire de l’Accord de Paris, offrirait à nouveau pour La Réunion une plateforme pour valoriser ses initiatives climatiques (exemples : PIROI Center, « Paré pas paré ») et notamment dans le cadre des projets menés avec la Commission de l’Océan Indien.

Décembre : impasses budgétaires ?

Les tensions budgétaires de décembre 2025, tant au niveau de l’Union européenne que des États membres, pourraient avoir des répercussions significatives sur La Réunion. En tant que région ultrapériphérique française, l’île dépend largement des transferts financiers de l’État français et des fonds européens pour soutenir son développement économique et social. Les difficultés rencontrées dans l’adoption des budgets, notamment en France où le paysage politique demeure fragmenté, rendent l’adoption du budget sans recours à l’article 49-3 improbable. Cette situation pourrait entraîner une réduction ou un retard des financements essentiels pour La Réunion, freinant ainsi les projets d’investissement locaux. De plus, les discussions européennes sur la réaffectation des fonds non dépensés vers des secteurs comme la défense pourraient limiter les ressources disponibles pour les initiatives réunionnaises. Il est donc crucial pour les acteurs locaux de suivre de près ces évolutions budgétaires et de plaider pour le maintien, voire l’augmentation, des financements dédiés aux régions ultrapériphériques, afin de soutenir la croissance et le développement durable de La Réunion.

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Réponse à « 2025 : géopolitique et avenir de La Réunion »

  1. […] la France (et même pour l’Europe) afin de maintenir une présence stratégique en Indo-Pacifique[10]. La France a d’ailleurs renforcé ses moyens dans la zone (patrouilleurs océaniques, […]

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